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 Une sale gueule

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Roof

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MessageSujet: Une sale gueule   Une sale gueule Icon_minitimeJeu 31 Mai - 1:26:24

- Ça va te donner une sale gueule, tout ça, Russ. T’es sûr que tu veux avoir l’air d’un monstre?
- T’as encore rien pigé, hein, Bob? C’est justement ÇA, l’idée, d’avoir l’air d’un « monstre ». Et je serai pas si moche, ces gadgets-là sont pas nécessairement les plus subtils, mais c’est esthétique, du alphaware. J’ai assez vécu avec des limites qui m’ont été imposées. Développer ces trucs-là ne m’a conféré aucun pouvoir. Les vendre à la contrebande ne m’a rapporté qu’une somme modeste. Les porter sera une libération.

La liste défila à nouveau à l’écran entre Dr. Bob et le Reality Hacker. Le praticien obèse tira sur sa millenium red, son visage se plissant pour montrer toute la réflexion derrière cette simple inspiration. Russel, lui, se cala dans son siège et déploya son unique paire de lames de poignet pour la regarder longuement.

- Les crocs et les autres trucs cosmétiques, même la dermopigmentation, ca va, j’ai ça en stock. Les spurs, je peux en avoir une paire en alphaware à ma prochaine commande. Pour le reste…
- … Pour le reste, t’as des contacts. Le Body Mall de Redmond, au pire, mais je sais aussi pour Sharon.
- Laisse-là hors de ça.
- Non. Tout le monde y trouvera son compte, même elle. C’est pas une faveur que je te demande, c’est un contrat que je te donne. Les nuyens sont sur la table. Je sais que ce projet t’intéresse, te fascine autant que moi, au fond. Je veux qu’on monte ca ensemble, Bob. Mets le hardware à côté des créditubes et tu peux les prendre. Ensuite on verra pour l’installation. Je peux aller voir ailleurs si tu te sens pas à la hauteur.
Bob esquissa un faux sourire carnassier :
- Tu sais bien que mon plaisir sera de te découper! Non, sérieusement, l’opération m’intrigue, oui, beaucoup plus que l’acquisition. J’appellerai Sharon. Le Seattle General hospital pourra probablement contribuer à ta cause.
- Bon. Parfait, c’est ce que je voulais entendre, mon Bob. Quand les gens me verront dans la rue, ils reconnaîtront ta signature. Tu seras le doc le plus prisé de Puyallup. Et les Reality Hackers sauront où venir flamber leur pléthore de nuyens la prochaine fois.

Russel secoua discrètement la main trois fois, serrant le poing au troisième. D’un coup de coude dans l’air, il rétracta la lame qui était restée dégainée. D’un tour du cou, il embrassa du regard le bureau aux murs de macroplast suintants. C’était une chance si sa salle d’opération était raisonnablement salubre, puisque le Dr Bob négligeait tous les autres aspects de sa vie. Sur les murs étaient accrochées de vieilles affiches « pin-ups », calendriers où il manquait parfois un bras, une jambe, un sein à certaines filles. à travers l’un d’eux, Russel pouvait même voir le babillard dénudé.

- Pour en revenir aux spurs, ne fais que commander les composantes de soutien. Je connais quelqu’un, un certain Kit, Kit Rae, je crois, qui pourra me designer les lames, et trouver quelqu’un pour les fabriquer et les dikoter. Je veux de la fibre de carbone, j’aurai déjà assez de poids dans les avant-bras avec cet aluminium.
- Hum, ouais, je ferai ce que je peux, le marché noir c’est le marché noir… quand on veut de la qualité, c’est souvent pas le temps de faire nos fines bouches.
- C’est vrai, et je le disais plus tôt, l’argent, j’en manque pas. J’économise pour ce projet depuis un sacré moment. Non, ne me fais pas ce sourire. J’ai travaillé là-dedans, je connais mon affaire, tu ne réussiras pas à me voler sur MON terrain.
- Ah, allons, je ferai rien. Tu risques de devoir couper dans tes propres idées de grandeur de toute façon. Mais c’est bon, t’inquiètes, je vais t’aider. Alors supposons que Sharon soit capable de m’avoir assez de filaments d’aluminium pour le renforçement, des auto-injecteurs que je vais pouvoir modifier pour les sacs à toxines, ainsi que les drogues pour le traitement-choc des réflexes boostés. Si on considère qu’on va devoir t’envoyer dans une autre clinique pour la portion bioware de ton « projet », on a pas mal fait le tour. Ce qui nous amène…
- … Au dernier détail, termina Russel.
Un sourire commence à se dessiner sur ses lèvres serrées.
- En effet, et un assez gros. Même si tu as l’argent pour acheter les jambes et la queue, y’a aucune chance que t’en trouves chez samouraï-mart au coin de la rue.
- L’argent, pour ces pièces-là, c’était pas pour les acheter.
Le street doc répondit lassement :
- Les gagner à la loto?
Le sourire de Russel se retrouve largement fendu.
- T’as entendu parler de TekLon? High-tech, et ça vient d’embarquer sur le marché…

Sans entendre la réplique de son « médecin de famille », il se laissa aller vers l’arrière sur son fauteuil, ses mains allant se rejoindre derrière sa tête, une lueur de folie dans les yeux.


Dernière édition par le Jeu 7 Juin - 15:53:12, édité 2 fois
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Roof

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MessageSujet: Final flight...   Une sale gueule Icon_minitimeJeu 31 Mai - 1:31:27

- Alors tu les as eues? Je veux dire, vous les avez eues. D'ailleurs, je t’emmerde de pas m’avoir engagé, moi.

Appuyé contre une énorme bobine de câble d’acier, il buvait l’eau du goulot sale. L’eau n’étant que de quelques teintes de brun plus pâle que celui-ci, il ne broncha pas. Posant la bouteille, Roof releva les yeux vers son interlocuteur, assis au-dessus de lui. Sa voix était lasse.

- Oui, on les a eues. Le tout d’ailleurs, la queue est même assortie… Fais en pas un plat, Ben, je tenais à avoir des experts. Ce coup-là devait pas foirer.
- TOI, tu étais avec eux. Tu les dirigeais, c’est pas ça?

Roof s’étira le cou vers Ben, qui avait les bras en croix, appuyant son bô sur ses épaules. Il fronça les sourcils légèrement :

- Je peux te dire à toi, une chose que tu vas répéter à personne. Oui, j’étais là avec l’objectif à leur montrer, mais j’ai jamais vu plus pathétique. Ils ont tout pris en main dès que j’ai eu fini de les briefer. Je me suis retrouvé à les suivre. Pendant toute la run, ils m’ont trimballé.

Roof étudia son avant-bras, hésitant à continuer. Ben restait attentif, son expression inchangée.

- Quand les quelques tirs ont fusé, je me suis rendu compte que des lames, ca fait pas grand-chose que le plus petit pistolet sait pas faire. Une fois dégainée, j’ai figé, et c’est un des shadowrunners qui m’a jeté contre la porte, à couvert.
- Je vois. J’aurais pas été d’une grande aide non plus, alors. Mais ils ont été bien?
- Ça, par contre, aucun doute. J’espère bien qu’un jour je vais atteindre ce niveau de professionnalisme... d’expérience. Des vrais.
Roof sourit à pleine dents. La bouche de Ben se tordit plutôt en un rictus.
- Content pour toi, mon cher, mais en attendant, apprends à rendre utile la ferraille dans ton bras, et lèves-toi!

Ben bondit sur ses deux pieds, à deux mètres de Roof, et étendit largement son bras pour faire atterrir son bô légèrement au-dessus du crâne de son partenaire.
À travers deux lames, un regard redevenu vif répondit silencieusement. Le bras devant le visage, Roof retenait le bois vernis.
D’un coup, il avança le menton et renvoya son bras derrière lui. Le bâton glissa sur le revers du poignet, de la main puis des lames, pour ensuite retourner en position aux côtés de Ben. Les lames tendues vers l’arrière, Roof ramena son autre poignet devant son visage.
Ben connaissait les routines de Roof. Blocade et feinte de l’avant-bras libre mais protégé. Le bout du bô déposé sur son autre épaule à ce moment exact du mouvement, les lames ne pourront se rendre à son torse. Mais faire attention au retour du moulinet, un mouvement vers l’extérieur et le bras peut y rester. Du levier de son épaule, le bô repoussa les lames.
Retour de Roof en position initiale. Ben fait faire un tour à son bâton avant de raser le sol devant lui avec une extrémité.
Roof savait briser la distance inconfortable que Ben lui imposait au combat. Attaquer le bâton, puis le corps. Rapidement, furieusement. Briser la distance n’était pas si compliqué. Mais armé d’une seule main, Roof savait qu’il devenait prévisible. Lorsque Ben frappa, Roof dévia le bois avec le cuir sur son avant-bras gauche. Son corps s’étira vers l’arrière pendant que le bô glissait derrière lui. Le visage de son adversaire s’approchait rapidement. Il devait essayer maintenant. Roof se baissa, fit un demi-tour sous le long bâton, et envoya son épaule sous celle de Ben. Le bâton monta dans les airs.
Pendant sa suspension, Ben sentit le chrome froid entre les lambeaux de sa camisole. Dans le bas du dos, près de la cuisse droite. Roof effleurait ses hanches du revers de sa lame. Bien sûr, retenir des coups non-mortels avec une arme blanche devait être un combat en soi.
Un claquement. L’arme de bois retomba sur le sol.
D’un coup de coude, Roof rétracta les lames. Ben lui tendit une main dont les doigts sortaient presque complètement des gants amputés. Roof l’agrippa et la serra, avant de s’en servir pour se remonter sur ses jambes.

Roof saisit sa bouteille brune et s’en retourna à l’extérieur du gymnase improvisé. De longues fissures dans les fenêtres noires laissaient entrevoir le ciel d’une nuit déjà avancée. Roof aboya par-dessus son épaule, en se frottant l’avant-bras droit :

- Ce soir c’était la dernière pour un bon deux mois, Ben. Je vais me remettre de la première série d’opérations. Cette fois tu seras celui que je voudrai engager pour ma protection.

Sans bruit, dans ses longs pantalons d’entraînement, Roof disparut dans les ombres.
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MessageSujet: Re: Une sale gueule   Une sale gueule Icon_minitimeJeu 7 Juin - 15:55:47

Un hurlement. Un hurlement de douleur intense, retentissant dans toutes les pièces aux murs de tuiles blanches.
Lourdement mais rapidement, Dr Bob se dirigeait vers la chambre d’où le cri provenait. Dans le corridor, un ganger portant un espèce de long bâton de combat courait dans sa direction.
- Alors, il s’est encore réveillé.
- Ouais. Et ça a toujours pas l’air de lui plaire.

Bob préparait une seringue hypodermique. En entrant dans la chambre, il se précipita vers le lit de Roof, lui fourra un rouleau de gaze dans la gueule puis lui injecta le contenu de la seringue dans la nuque. Roof, les bras attachés aux rebords du lit, se débattit pendant encore quelques secondes, seules ses nouvelles jambes restant inertes. Quand ses paupières se refermèrent à demi sur ses yeux rougis, ses muscles se relâchant, Bob fit glisser un tabouret jusqu’au pied du lit, s’alluma une millenium red et ouvrit un panneau sur la jambe droite de roof. Il rebrancha quelque câbles, puis le referma pour le visser solidement.

- Ça devrait être sa dernière crise. S’il se réveille encore en sursaut, colles-lui une tranq patch sur la nuque. Elles sont sur la table stérile là-bas. Je réactive ses jambes; il faudra bien qu’il les sente un jour.
- Pourquoi il se réveille… heum… réveillait toujours en hurlant? Je veux dire, c’est pas la première personne que je vois qui se font implanter. Moi-même, je…
- C’est qu’il a voulu trop en prendre. En ce moment, il doit se sentir comme si des clous traversaient ses os. La queue, les jambes, les os, les crocs et les lames en même temps, ça fait beaucoup, déjà que c’est pas les implants les plus confortables. Mais ça suit une certaine logique : j’ai pu implanter les lames en les soudant avec l’aluminium des os, et aussi interfacer la queue pour ne pas trop encombrer les jambes. Il a aussi voulu que je renforce les os de ses mâchoires et de son palais. D’habitude c’est pas évident, mais là tout était déjà ouvert pour accueillir les crocs, alors j’avais en masse de place pour travailler.
- Putain… C’était calculé son truc… d’où ça vient tout ça?
- Ha! Secret professionnel… bon, ok, des contacts, quoi.
- Je veux dire, il m’en a parlé, mais j’avais pas vraiment vu les jambes… elles ont été modifiées? Enfin… elles ne devaient pas venir stock avec ces motifs tribaux, non?
- Bah, j’y ai apporté les quelques améliorations que Roof voulait… pas trop dur, elles étaient déjà bien équipées, et elles sont compatibles avec les accessoires de jambes cybernétiques normales. Les motifs, il les a faits à la main. Il a plus de talent que je pensais. C’est pour fitter avec les biotatouages qu’il va se faire installer avec la batch de bioware.
- Du bioware? Putain… il m’en a pas parlé de ça. Il lui reste quoi à installer au juste?
- Tu vas voir, le bioware va le rendre… effrayant, le moins qu’on puisse dire. Nouveaux yeux, meilleurs muscles, dermopigmentation et tatoos. Sinon, pour le hardware, il reste les réflexes boostés… pour ça, je vais lui faire le traitement électrochimique en tout dernier, pour que ses réflexes s’adaptent à ses nouveaux morceaux.

Ben éprouvait à ce moment quelques difficultés à suivre. Sa seule réaction avant de partir fut :

- Ca va faire de Roof une sacré machine.
- C’est justement ÇA, l’idée.

Le ganger sortit reprendre sa position de garde devant l’entrée de la chambre pendant que Bob vérifiait l’état de santé de Roof.

Lorsqu’il fut sorti à son tour, la main de Roof s’agita trois fois tant bien que mal sous la courroie de synthécuir, se refermant en un poing à la troisième.
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MessageSujet: Re: Une sale gueule   Une sale gueule Icon_minitimeJeu 12 Juil - 2:39:51

Ils filaient à travers les rues de Puyallup sur la Rapier chromée. Roof était penché sur le fuselage de la moto, tandis que Neona le tenait fermement par la taille d’une seule main, l’autre agrippant son cyberdeck Fuchi modifié.
Les rues étaient un désert de béton et de tarmac. Les bâtiments étaient presque tous condamnés par des lattes de macroplast, des grilles de fer improvisées et même quelques planches de bois. On pouvait voir le mont Rainier au loin derrière eux, trônant au milieu de ce qui était devenu des lacs de lave bouillonnants depuis la Grande Danse Fantôme. C’était de là qu’ils venaient.
Ils se dirigeaient vers les canalisations artificielles à la frontière de Tacoma, où Neona devait aller vendre les blueprints qu’elle venait de trouver dans le système d’une centrale géothermique abandonnée de l'endroit qui était maintenant appelé « Hell’s Kitchen ».

Les yeux inhumains de Roof étaient fixés sur la route, froncés derrière ses lunettes smartlink teintées. Néona pouvait sentir sa tension, sa frustration. La frustration d’un enfant qui n’a pas pu essayer son nouveau jouet. Il ne ralentit même pas quand les canalisations de Tacoma firent leur apparition. Il se contenta se hisser un peu plus haut sur ses jambes chromées, appuyant son poids vers l’avant. Néona n’eut pas le choix de suivre son mouvement pour ne pas échapper son deck. La moto dévalla les pentes artificielles qui menaient au petit ruisseau qui était, au début, la raison pourquoi elles furent construites. Tant de béton pour rien. Au moins, les habitants les plus mal foutus de l’endroit avaient des kilomètres d’abri sous-terrain.

Ils approchaient de la petite porte de métal rouillé sous un viaduc qui était maintenant plus utile comme toit que comme voie d’accès. Roof contournait les piliers pour passer le temps, probablement aussi pour se donner un peu de fausse action. Hell’s Kitchen était morte, ce soir. Dans l’ancienne centrale géothermique, la plus grande « protection » qu’il avait pu fournir à Néona était de la prévenir d’un trou dans la passerelle qu’ils avaient traversé pendant qu’elle était encore dans la brume de sa déconnexion récente. Excitant. Très.

Il grognait. Après quelques répétitions de ce grognement, elle réussit à comprendre qu’il voulait qu’elle débarque seule. « T’as plus de chances de séduire un ork que moi. Bah. Je pourrai toujours te protéger si une couleuvre passe dans le coin. Je reste dehors. » Il la déposa devant la porte à même le mur et, une fraction de seconde plus tard, il était en train de traçer des cercles de caoutchouc brûlé sur le sol. Au moins la Rapier servait à quelque chose. « Un enfant » pensa-t-elle encore une fois. « Un enfant frustré ».

Quand elle fut entrée, et qu’il commença à considérer qu’il allait avoir besoin de pneus pour rentrer, il descendit. Dos à la moto, appuyé sur celle-ci, il observait le dos de sa main, les deux fines rainures couvertes de fibres de carbone pour mieux guider les lames. Il les fit glisser, arrêter à moitié sorties, retourner d’un centimètre, puis les étendit de tout leur long. « Magnifiques », pensait-il. Kit avait vraiment soutenu sa réputation. Chacune des quatre lames qu’il lui avait conçues, bien que faites à la main, avaient le même arc parfait, aiguisé de l’intérieur. L’extérieur, le dos de la main, était orné de quelques courbes stylisées, juste assez subtiles pour que les lames puissent glisser aisément dans leurs étuis de l’avant-bras. Le dikotage avait rendu le carbone du tranchant transparent, du vrai faux diamant courant le long des vagues de la ligne d’aiguisage. Du travail d’artiste. Digne de l’Alphaware. Bien mieux que ce que les reality hackers lui avaient fourni à son arrivée.

Il était tellement absorbé à admirer l’œuvre qu’était maintenant son corps qu’il ne les vit pas arriver. Six. Silencieuses. Presque nues. La coiffure de celles qui avaient les cheveux attachés vers l’arrière tirait leurs traits de façon macabre. Celles qui n’avaient pas de cheveux du tout avaient l’air tout simplement sinistre.

Mais c’est pourquoi Roof fut surpris de les entendre avant de les voir. Des ghoules qui parlent correctement, ça ne se voit pas tous les jours. Six, Seulement des femelles, cela était encore plus rare. Du moins, pour Roof. Tout ce qu’il avait vu d’une ghoule auparavant, c’était des yeux brillants dans l’ombre.

Mais aujourd’hui, lui aussi était doté d’yeux brillants. Et l’ombre était devenue l’occasion pour lui de remarquer leurs vêtements en lambeaux, dont les dessous étaient probablement les mieux entretenus : des pièces de cuir pourpre fermement attachées sur leurs seins et autour de leurs hanches ne laissaient rien entrevoir de ce que les franges de tissus auraient pu laisser échapper. Leurs doigts longs, éloignés de leurs corps, se terminaient par des griffes durçies. Elles hissaient.

- « Regarde-moi cette chair musclée. Délicieux... »
- « ...mais pas pour les pièces de choix, Regardez ces jambes. »
- « Le torse devra faire l’affaire. »
- « Beaucoup mieux que plusieurs habitants d’ici… ils n’ont que la chair sur les os… »
- « …et ceux-là n’ont presque pas d’organes qui valent la peine. Celui-là vaudra plusieurs fois leur prix en implants, même usagés. »

Elles poursuivaient leur conversation en tournant autour du pilier de béton duquel s’était approché Roof.

- « Je suis pas comestible, les filles. Traitements électrochimiques, bioware. En plus, j’suis pas sûr que vous aimez les échardes d’aluminium. »

Il dégaina sa seconde paire de lames et emprunta la position d’attaque qu’un fauve aurait s’il se déplaçait sur deux jambes d’oiseau ou de reptile. Des sept combattants, on n’aurait su dire de qui originait le réflexe de retrousser ses lèvres pour dévoiler ses crocs, qui s’était rapidement répandu au reste des belligérants.

Après deux enjambées, Roof était déjà enfoncé jusqu’au poignet dans les tripes de l’une des créatures de la nuit. Le sang sombre, remonté de force par la pression de l’impact, gicla étroitement entre les crocs nus de l’une des chauves. Pendant que celle-ci râlait, un cri uni et strident s’éleva des cinq autres ghoules.

« Lentes » murmura Roof, tournant la tête au-dessus du bras qu’il retirait de la chair tendue de la première tombée. D’un mouvement ample du bras, il rabattit sa main gauche sur celle qui s’était précipitée. Le bras pâle aux ongles durcis tomba sur le sol sans une goutte de sang, son ex-propriétaire tenant un moignon de sa main restante. Elle fit un pas vers l’arrière, mais continua de siffler en sa direction.

Se retournant, Roof leva la jambe pour accueillir une troisième ghoule. En redescendant, ses serres allèrent tracer des sillons noirs qui s’élargirent aussitôt, des côtes saillantes au bassin désarticulé. Sous le momentum, la lacérée s’effondra au sol, puis vit les serres mêmes qui l’avaient écorchée s’enfoncer dans son visage. On entendit simultanément les servomoteurs gémir et les vertèbres craquer sous le pas.

Les paires de lames étaient déjà en train d’échanger des frappes avec d'autres membres longs et cadavériques. Ceux-ci cherchaient les poignets de Roof pour ne pas finir avec leur semblable sur le sol. Roof persistait, perdu dans la furie d’un premier combat au top de ses capacités. Quand il vit une ouverture, il enfonça l’œuvre de Kit Rae dans le sein de son adversaire. Le cuir perdit ses attaches et tomba, retenu seulement par la lame de carbone solidement encrée dans le sternum de la porteuse. Le dos de la créature se dressa. La serre qui repoussa le corps convulsant retira en même temps ce lambeau de vêtement qui alla doucement se poser sur le béton, au gré du vent. Les deux filets de liquide noir devinrent rivières, puis fleuves, propulsés par les derniers battements rapides d’un cœur décharné. Le composite de carbone dégoutta un peu en revenant se positionner au côté de roof.

Quand il bondit vers la cinquième bête de la nuit, les lames ne purent s’enfoncer que de quelques centimètres dans la chair tendue. Il était resté sur place, retenu par la paume unique de celle à qui il avait tranché un bras. Elle serrait son torse, refermant ses griffes pour découper une araignée rougeâtre à travers la veste renforcée. Elle aurait pu foncer pour transpercer celle-ci, mais elle aurait endommagé des organes. D’ailleurs, la viande est tellement meilleure une fois attendrie. Roof recula d’un pas pour appuyer sa serre gauche solidement contre le béton du pilier et mieux propulser son épaule dans le visage de sa tortionnaire. Les trois combattants, anciennement entrelacés, finirent tous trois leur roulade à quelques mètres de distance. Les deux Ghoules se relevèrent en continuant leur crissement strident, tandis que Roof se joignit à elles avec un hurlement furieux, bestial, galvanisé.

Les yeux brillants des femelles reculaient, l’une de celles-ci recouvrant son membre détaché avant de s’enfuir, tandis que l’autre agrippait le corps de sa consœur la plus proche, sans se rendre compte que celui-ci était disloqué et ne remuait plus depuis longtemps. Elles s’enfuirent à une vitesse néanmoins surhumaine. Roof fit mine de bondir à leur poursuite.

Quand Néona sortit de la porte rouillée, elle découvrit Roof, appuyée sur sa moto, en train de se curer les dents de façon grotesque. Il avait retiré sa veste renforcée qui reposait maintenant, éventrée, sur le siège de la Rapier. Ses abdominaux gris étaient recouverts de sang, rouge, luisant. Ses avant-bras dégoulinaient d’un goudron bourgogne, dont des coulées luisaient également sur ses jambes. Néona écarquilla les yeux et laissa sa mâchoire tomber d’un cran. Elle ne put plaçer un mot que Roof, calme, commença:

- « Ghoules. Six. »
- « Je vois bien, il y en a trois par terre! » fit-elle d’une voix qui oscillait entre la moyenne et le suraigu.

Roof fit son plus beau sourire carnassier.

- « Alors, c’est réglé? »
- « Heum. Oui, ça va. L’ork est satisfait… et toi? Tu vas pas nous péter une crise de HMHVV? »
- « Non, ça va, » réussit-il à dire. « Elles ne m’ont rien fait… d’oral. »

Roof riait. Incontrôlablement. Hystériquement. Seul.
Pendant le voyage du retour, elle pouvait toujours voir ses épaules nues tressaillir.
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