D'une vie à l'autre: Clasmerg

L’A-K 97 dans les mains, je vérifie l’interface neurale. Putin qu’il commence à ce faire vieux ce bidule-la. Il doit avoir au moins 5 ans. Il y arrive parfois de se tromper dans les informations qu’il m’envoie, mais de manière mineure. Mineur faut s’entendre, j’utilise ce terme uniquement parce que je me suis pas encore pris une balle par sa faute. Bien entendu, je suis beaucoup plus heureux de l’avoir que rien du tout, mais n’importe quel implant de pacotille à un meilleur potentiel d’efficacité que le mien maintenant. Je pourrais bien me plaindre indéfiniment, je ne suis pas près de le changer. Vingt balles au chargeur, mécanisme de ressort huilé à la perfection, la culasse et le percuteur brillant comme le chrome, tout semble en ordre. Un bip de vérification est émis dans mon oreille interne : le silencieux n’est pas aligné. Ogresse de merde. Je le dévisse et prends le temps de bien l’observer pour être sur de l’alignement des sillons pendant l’insertion. Rien à faire, il y a une faiblesse.

-Fait chier, cochonnerie de défécation d’elfe.
Je vais être obliger de m'en débarasser, un désalignement d’un degré, même en 2061, peut être suffisant pour faire sauter le canon de l’arme, option qui risque d’arriver pendant son utilisation, ce qui veut dire proche de mon visage. Je le décroche et le balance dans une poubelle proche. Dommage, je ne voulais pas déranger les voisins pendant leur souper. Bof, si je perturbe une mère de famille, elle n’aura qu’à venir se plaindre, je suis sûr qu’elle sera compréhensive. Sinon, ben je sais pas moi, elle retournera chez elle chercher une casserole pour faire mon boulot pendant que je me marrerais à la regarder. C’est que, plus tôt dans la journée, un rat de la grosseur d’un doberman (a bien y penser, il avait la face aussi), a attaqué un gosse qui jouait par là. Je ne sais pas comment il a fait pour s’enfuir, mais dès la première morsure il était déjà loin. Vu l’enflure et la couleur de la blessure, l’animal devait être éveillé. C’est pour cela que l’on envoie le mage de service, en loccurence, moi, faire la sale job. Barbatuiel, c’est pas de ces affaires. Il nous aide beaucoup, mais à moins de situation critique, les problèmes du clan se règlent avec le clan. Il est tout de même venu le soigner puis m’a dit de le trouver au cours de la soirée pour une leçon.
Le stress m’assaille quand même. J’ai aucune idée s’il est seul lui, je fais quoi avec mon arme une fois que mon chargeur est vide? Je lance des sorts? Je suis d’une vocation plus protectrice moi : les sorts de défenses, de perceptions ou détections. Sur ce dernier, je suis même respecté par le shaman qui parfois m’y demande mon avis. Et l’enseignement qu’il me profère? Il n’est pas axé sur l’attaque, comme si le shaman me montrait à détruire encore plus facilement des pans de la vie... et je n’étais pas si avancer que cela non plus. Malgré tout, on me considère comme la ressource la plus polyvalente de la horde. Hahamm, c’est vrai qu’un mage cromé est tout ce qu’il y a de plus efficace...

Retour au problème initial : Où est ce putain de rat? Je n’aperçois rien à portée immédiate en tout cas.
Je m’assis donc en position du lotus, contorsion impressionnante pour un Ork de ma carrure. Je trace un cercle sommaire et gribouille quelques runes. Uno, je ne veux pas gaspiller mon énergie par un drain inutile, après tout j’ai une leçon par après. Secondo, avec toute la salive que la bestiole a laissée dans la plaie du ptit, n'importe quel mage de bas étage pourrait repérer la trace astrale. Je marmonne quelques phrases :
-...Avec le sang et la soif...présente-toi à moi...pour qu’échange soit fait, que le condamner s’illumine pour mon être...
Bien que je ne puisse pas encore remplacer mes incantations par ces méditations, cela m’aide néanmoins à concentrer mes énergies. Lancant un contenant rempli de sang et de salive dans les airs, oü il s’y figea, je prononce mes derniers mots, vecteur d’énergie pure. L’objet, qui agglomérait du mana depuis quelques instants, commence à se séparer en deux entités. Il faut que je distingue maintenant, quoi est quoi. À droite, le sang se dirige lentement vers la sortit de la ruelle, donc vers l’enfant. L’autre, la salive de la métacréature, s’enfonce dans les ténèbres quasi totales, c’est la faible lueur du sort qui garde ma vision nocturne en action. Le sort ne fonctionne pas rapidement, cela me laisse le temps de bien observer les alentours. La ruelle est dégueulasse, une couche de liquide, probablement un jus provenant de la décomposition des déchets qui sont là depuis plusieurs mois, depuis notre arrivée en fait. Et c’est pas comme si on avait le choix, nous sommes considérés comme étant dans une zone à abandonner. Ni le gouv, ni la ville et ni les corpos ne s’intéresse à ce bout de territoire. Daprès eux, le quartier est envahi par la vermine. Disons que dans des cas comme cela, les services publics sont très limités. Nous gérons donc le territoire sous principe d’auto-gestion. Un mot bien beau, mais quand il n’y a que de la merde à gérer, cela ne peut donner un beau résultat. Le premier exemple reste donc cette ruelle, qui est le dépotoir de notre quartier, et ce n’est pas une manière de parler. Ma progression ne fut toutefois pas compliquée, car après une centaine de mètres, je me retrouvai face à face avec le rat.
Il est devant moi, deux pattes sur un sac à ordure déchiqueté, ses yeux croisant les miens. Ses lèvres supérieures sont retroussées, il émet un grognement rôque...grrrrrr....mais je ne l’entends pas, mon propre, émis aussi pour l’intimidation, est trop puissant. Je sens qu’il se prépare : l’avant de son corps en penché près du sol, les pattes flexées, les muscles contractés, et toujours en train de me fixer les pupilles. Mais il n’a pas affaire à un gamin, et moi, je suis là pour le buter. C’est pour ça que mon chargeur se retrouve à moitié vide avant qu’il n’aille prit sa décision. Il s’écroule alors que l’arme frémit encore dans mes mains. Douze balles au chargeur. Je m’approche de lui, il gémit encore. Huit projectiles se logent dans son crâne, réduisant sa cervelle en de multiples parties qui s’éparpillent à mes pieds. Les quatre dernières servent à bouziller les plus gros morceaux.

Je suis satisfait. J’enfile la ganse de mon arme, qui vient se positionner au dos de ma robe. D’un des multiples plis de celle-ci, je sors une Capitaine Prime que je viens enfoncer entre deux crocs. Je le mérite bien, donc avant toute autre action, je tire une longue et profonde bouffée. L’idée de mettre le feu à la ruelle me passe par l’esprit. Les avantages seraient concrets : Plus de vermine, plus d’amoncellements, en fait, la place pour en refaire d’autres, et plus d’odeurs, sauf durant l’action, évidemment. Le sort va en décider; je lance le mégot loin devant moi vers un liquide semblant flammable. Le mégot n’est pas arrivé au sol qu’une mouette, elle aussi de proportion bizarre la gobe en s’étouffant. J’empoigne la crosse de mon arme, zéro au chargeur. Temps pis, on verra ça un autre coup.

J’allume une seconde cigarette pour me consoler, puis, de ma main libre, j’attrape la queue de la bête et commence à la traîner derrière moi. Je m’aurais pas trop fait chier finalement.